SMMP

 Résister à la SMMP de Fumel

 

 Vue aérienne de l'usine prise dans les années 1950

Le Front National d'obédience communiste

          Le FRONT NATIONAL1 est créé le 15 mai 1941 par le Parti Communiste en zone Nord et zone Sud de la France. Il sera surtout actif à partir de juillet 1941. Le but était la représentation politique des groupes de lutte armée FTPF pour faire de la propagande, fabriquer de faux papiers, effectuer des sabotages…

        Localement, à Montayral, le groupe "CABANNES" est constitué par le colonel LAKANAL. Il est remplacé par Georges TOULZA, quand il part à l’Etat-major FTPF dans le Lot. SALET, TORIKIAN, FERRAGUT, qui travaillent à l’usine, relayaient les mots d’ordre auprès des ouvriers2.

1 - Le sigle FN n’ayant pas été déposé après guerre, il a été repris par un parti politique d’extrême droite en 1972.
2 - "Mémoires et Traditions Ouvrières" - P.ROBIN, A.GAYROUX

La Résistance s'organise face à Vichy

        Déjà, en 1942 et jusqu'à la libération, l'action est particulièrement difficile à mener dans l'entreprise. Des syndi-
calistes comme FERRAGUT et PLAGÉ, appartenant au syndicat clandestin CGT, doivent affronter le syndicat offi-
ciel, vichyste bien-sûr.  Ces deux résistants feront aussi partie du groupe "GEOFFROY" affilié à l'armée secrète
"VENY"
2.

Le groupe "GEOFFROY" de Jean VERMONT

 

Mémoire rédigé au lendemain de la guerre par Jean VERMONT

                  Jean VERMONT, ingénieur à la centrifugation de la SMMP, ancien militaire, décida, dès 1942 et avec l'aide d'autres membres du personnel, de monter un maquis au sein de la SMMP.

          Les réunions clandestines se tenaient dans son bureau à l'usine. Le fait que l'un des participants, CAMBON, responsable local du groupe COMBAT dans le marmandais, fut arrêté puis assassiné suite à des fuites, incita VERMONT à mettre son projet en sommeil.

          Par la suite, il prit contact avec la résistance locale mais il ne fut pas satisfait du fonctionnement :
« trop de paroles, de tendances politiques, pas assez d'action ».

          Il contacta, aussi, les agents du S.O.E., car pour avoir des armes, les maquis devaient passer par l'intermédiaire des services secrets anglais (le Special Operations Executive) afin d'obtenir des parachutages de matériel.

          En mars 1943, Jean VERMONT relança son groupe qu'il voulait neutre et essentiellement militaire. Environ 80 personnes le composaient. Il choisit comme alias « GEOFFROY », « parce que la clandestinité obligeait à prendre un nom de guerre. C'est un vieux nom français, bien français, vieux français, même, mais d'une antiquité de bon aloi... ».

          Le groupe était affilié au mouvement « VENY » du colonel VINCENT. Le bataillon se composait de 6 compagnies commandées respectivement par :

  • 1ère compagnie du capitaine KUNTZ
    2ème compagnie du capitaine BRUNOLD
    3ème compagnie du capitaine BARILLAUD
    4ème compagnie du capitaine MOUET
    5ème compagnie "DOLLE" du capitaine DOLLE
    6ème compagnie "KLEBER" du capitaine MONTES, alias "KLEBER".

          Au moment du débarquement allié, GEOFFROY divisa son secteur de Fumel en 4 sous-secteurs :

  • N.O. : Saint-Aubin confié à JULIENNE
    N.E. : Bonaguil confié à CHAMBON
    S.E. : Mauroux confié à CONTI
    S.O. : Trémons confié à CANAUD.

          Des terrains de parachutages furent choisis. Des membres du bataillon furent chargés d'écouter la B.B.C. afin de savoir si des messages comme « Les feuilles sont chassées par la tempête » ou « Si seulement vous vouliez m'aider » étaient diffusés, indiquant l'arrivée programmée de containers d'armes, de munitions et de matériel divers. Le groupe bénéficia au total de 17 parachutages.

          Le ravitaillement du secteur Fumel - Monsempron-Libos fut assuré d'une manière constante grâce aux réquisitions, aux transports et aux actions de police organisés par « GEOFFROY » : « A cette époque (juin 1944) plusieurs interventions énergiques furent nécessaires pour réprimer quelques actes de piraterie, certains groupes pillant littéralement les commerçants. »

          Les effectifs du bataillon « GEOFFROY » atteignirent 366 volontaires européens et 158 volontaires indigènes. Puis sur ordre du colonel BECK, la compagnie DOLLE (185 hommes) et le groupe KLEBER (98 hommes) furent intégrés. Le 19 août 1944, l'effectif total était de 807 personnes.

          Ce bataillon participa aux opérations de destruction des voies ferrées, à la guérilla, puis à la libération des villes du département.

          A la libération, le directeur de l'usine fit graver, sur une plaque en fonte, le nom des membres du personnel Morts Pour la France ou faits prisonniers. Jean VERMONT réintégra son poste de travail à la SMMP. Il créa une amicale pour venir en aide a tous ses anciens camarades.

La plaque commémorative en l'honneur des membres du personnel

Nom

Prénom

État civil

Circonstances

BERTY

René   

 

Prisonnier en 1940

FABRE

Louis

 

Prisonnier en 1940

HIBERT

Louis

 

Prisonnier en 1940

KUNTZ

Georges Maurice Charles

Né le 07/02/1917 a Châlons-sur-Marne

F.F.I., tué au combat le 15/08/1944 à Lamagistère (82) Mort Pour la France.

MATA

René Roger

Né le 17/04/1914 à Fumel

17ème Tirailleur Algérien, Mort pour la France le 17/06/1940 à Compiègne (60)

MAYER

Jean Louis Maxime

Ne le 06/08/1911 à Cuzorn

59ème Infanterie Mort pour la France le 13/06/1940 a Germigny (77)

SCHAEFFER

Claude Hippolyte Albert  Ferdinand

Ne le 19/06/1921 à Saint-Ame (88) 

F.F.I., Mort pour fa France le 13/06/1940 a Pradines (46)

TORIKIAN

John

Né le 23/04/1927            à Châteauneuf-du-Rhône (26)

F.F.I., Mort pour la France le 17/08/1944 à St-Jean-de-Thurac (47)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Service du Travail Obligatoire ou STO

          A partir du 16 février 1943, les jeunes français des classes 43 et 44 furent envoyés en Allemagne pour y travailler. Ceux qui refusèrent allèrent grossir les rangs des maquis et des unités dépendant du Comité Départemental de Libération (CDL, installé à Montauriol - 47), comité présidé par le colonel BECK, alias "GUERIN" puis par GOUDOUNECHE.

          Pour ce qui concerne Fumel, un certain nombre d'entre eux réussit à se faire embaucher par la SMMP. Cette usine était classée "BETRIEB" (usine d'importance statrégique" par l'occupant nazi. Par conséquent son personnel était dispensé du S.T.O.

 Pierre MONTES embauché par la SMMP - Résumé de l'entretien - juillet 2012

 

          Au printemps 1944, Pierre MONTES avait constitué un groupe de 35 jeunes fumélois. Ce groupe,
rattaché à l'Armée Secrète (A.S.). faisait du renseignement pour BECK alias "GUERIN" puis GOUDOUNECHE alias "AURIOL"  et ARCHIDICE (groupes "VENY'). Il distribuait des tracts dans la région. Ensuite il fut rattaché au groupe "KLEBER" de Lacaussade.

          Auparavant, le frère de Pierre MONTES, Charles, expédié en Allemagne au STO, profita de sa première permission pour rejoindre le maquis. Au printemps 1944, les maquis furent regroupés. C'est alors que Pierre MONTES rentra en contact avec les groupes "VENY" et passa un mois dans les carrières du Pech du Treil.

          A l'époque, il y avait un commissariat de police dans la rue Notre-Dame de Fumel. Le commissaire était un sympathisant de la résistance. Après la guerre, il fut nommé commissaire à Toulouse. Dans ce même local, se trouvait la Gestapo.

          La rivalité politique entre groupes de résistants était flagrante. MONTES fut amené à rencontrer des groupes rivaux (FTPF) pour bien préciser les règles du jeu sur le secteur de Fumel. Cette divergence s'accentua au fil des mois. Bien après le débarquement, une "Brigade Légère de Lot-et-Garonne" fut constituée avec l'objectif de se rendre sur le front de l'Est (Strasbourg). Arrivée au camp d'Avord, elle fut rappelée. Dans le département de Lot-et-Garonne, certains FTPF avaient commencé la distribution d'armes à la population. Pour mettre fin à cette situation insurrectionnelle, la brigade fut chargée de récupérer ces armes.

          Dès le 6 juin 1944, l’ordre était de provoquer un soulèvement dans le département, de prendre la Préfecture aux miliciens.

          Le 3 juillet 1944, un des groupes de MONTES rentrait d'Agen en camion. Il avait récupéré toutes les armes des GMR, avec l'accord de ces derniers. Ce camion se retrouva dans la vallée du Boudouyssou, près de Tournon d'Agenais, au moment ou les Allemands investissaient le village de Tournon. Cette colonne nazi allait de Cahors à Bordeaux en utilisant les routes dominant les vallées. Pas question pour eux de se retrouver piégés dans un bas-fond. Le camion des maquisards fut immobilisé par un obus tombé sur le moteur. MONTES en fut informé par le motocycliste d'avant-garde qui avait réussi à traverser
la route Cahors-Villeneuve.

          MONTES se rendit auprès du camion en traversant le carrefour de Tournon dans une traction avant : "Accrochez-vous, il n'est pas question de freiner" cria-t-il. Parvenu près du camion, il donna comme consigne, à ses hommes, de suivre le Boudouyssou vers l'aval et de remonter sur la route de  Bourlens où il les attendrait avec d'autres véhicules.

          Accompagné de son frère et de deux autres maquisards, MONTES retraversa le carrefour de Tournon. De retour aux carrières du Pech du Treil, il constitua un convoi de deux camions vides et d'un troisième servant d'escorte. Arrivés à Bourlens, ils se mirent en marche arrière jusqu'à la jonction avec les rescapés. Ils purent regagner les carrières sans encombres. L'absence de véhicule blindé allemand, sur le carrefour de Tournon avait facilité la tâche du sauvetage des hommes.

          La colonne allemande se replia sur Cahors. L'objectif de l'occupant était clair, tenir les axes de communication, avec l'aide des miliciens, afin de faciliter le transport de troupes et de matériel vers le front de Normandie. Il incombait à la résistance de briser ce plan.

          Le 14 jullet Pierre MONTES fut promut au grade de lieutenant. 

          Tous les maquis du nord et du sud de la Garonne reçurent l'ordre de faire mouvement vers l'axe Toulouse-Bordeaux, à l'Est d'Agen. Au petit matin du 15 août 1944, un groupe de reconnaissance fumélois tomba sur des Allemands installés sur les crêtes de St-Romain-le-Noble. ("L'ennemi, nombreux et bien armé, mitraillèrent les hommes qui tentaient de se mettre à l'abri, dans un bois voisin. Quatre d'entre eux perdirent la vie : les capitaines KUNTZ et BRUNOLD, REDOULES et MORNATASSE". extrait du mémoire 'Bataillon GEOFFROY" de Jean VERMONT). Pierre MONTES était aux côtés de Jean VERMONT quand ce dernier fut blessé.

          Il y avait aussi une caserne d'Allemands au sommet de St-Jean-de-Thurac. L'objectif était de faire sauter la voie ferrée. Pour y parvenir, quatre charges explosives devaient être posées, deux par deux, à un mètre de distance chacune. Soudain, les Allemands, embusqués, ouvrirent un feu nourri sur les maquisards. La culotte de cheval de MONTES (il pratiquait l'équitation) fut traversée par une balle allemande. Ce fut une hécatombe. Sept hommes furent tués : ALBOR François, ALVES Antoine, BRODESSEAUX Raymond, CHEVALLIER Jacques, DELETTRE Pierre, MOLINIE Origine, TORRIKIAN Jean. Huit autres furent faits prisonniers et libérés quelques jours plus tard par les F.F.I de Toulouse.

          Le 19 août 1944, AGEN était libérée.

          Le Comité Départemental de la Libération inscrivit P. MONTES à une formation de sous-officier à l'école militaire de Lespinet (Toulouse) de septembre à octobre 1944.

          Ensuite il signa un engagement volontaire pour la durée de la guerre à partir du 11 octobre 1944. Il poursuivi son instruction militaire à l'école de Tarbes, de novembre 1944 à févier 1945, dans le cadre d'une formation à la haute montagne pour protéger la frontière des Pyrénées. C'est à cette occasion qu'il découvrit la descente en rappel. En observant la falaise de trente mètres qui servait de terrain d’entraînement il dit au sergent instructeur : « Mais je ne suis pas un chat ! ». « Vous verrez, mon lieutenant, avant la fin de la semaine vous parviendrez à le faire » lui répondit  le moniteur.

          En février 1945, il rejoignit, par le train, le front de l'Atlantique à Aigrefeuille, face à la poche de La Rochelle. Il appartenait au 4ème Zouave sous le commandement du Général de LARMINAT.

          C'est là qu'il rencontra pour la première fois Paul LIMOUZI. Le groupe « SOLEIL » venait de perdre une unité a la suite d'une erreur de commandement. « Il y avait un glacis de plusieurs hectares à découvert. Sans reconnaissance préalable, les résistants s'engagèrent dans cette zone, alors qu'ils savaient qu'il y avait de fortes chances que les Allemands soient dans la lisière d'en face. Les Allemands étaient des soldats aguerris, efficaces et dotés de matériel de très bonne qualité. Il n'y avait qu'a voir les mines. On avait passé une semaine à comprendre leur fonctionnement, les reconnaître, savoir ce qu'il fallait faire, ne pas faire ». Pierre MONTES fut démobilisé le 21 décembre 1945. Il reçu, entre autres décorations, la Médaille de la Résistance et la Croix de Combattant Volontaire de la Résistance.

1 : Les Cahiers de la Résistance - page 107 
2 : Les Cahiers de la Résistance - page 69
3 : Pierre MONTES - Lieutenant de la Résistance 

 

Lieu de Mémoire précédent

Retour à la liste des lieux de Mémoire

Lieu de Mémoire suivant

Posts les plus consultés de ce blog

La rafle du 21 mai 1941 à Lacapelle-Biron

Condat

Le maquis « Alexis » à Touzac