Bonaguil

 

Bonaguil : sur le Chemin de mémoire

Le château de Bonaguil avant la Seconde Guerre Mondiale.

Le château « fou », selon Fernande Costes

    Ce château, aussi beau qu’inutile, est planté au milieu de nulle part. A la frontière de l’Agenais, du Périgord et du Quercy, il dresse sa masse imposante tel un Don Quichotte qui attendrait l’improbable passage d’un moulin à vent pour s’en emparer. Une première tour, située sur l’emplacement actuel du donjon est attestée à la fin du XIIIe siècle. Au tournant des XIVe et XVe siècles, un aristocrate quercyno-rouergat, Bérenger de Roquefeuil, consacre trente ans de sa vie à l’aménager en demeure seigneuriale avec un style à cheval sur deux époques, le Moyen Âge et la Renaissance.

Fernande Costes

    Fernande Costes est une figure locale reconnue. Elle est née en 1920 dans une famille d’aubergistes installée au pied du château de Bonaguil. Avant la Seconde Guerre Mondiale, son père fait visiter la forteresse aux rares touristes de passage. Fernande le remplace occasionnellement pour accompagner les visiteurs.

    Ce coin isolé du Fumélois voit aussi passer les réfugiés de la débâcle de 1940, une compagnie de soldats, des civils déboussolés... Mais c'est à la fin de 1942 que la réalité de la guerre rattrape Fernande Costes : la présence des premiers uniformes allemands et surtout le STO (Service du Travail Obligatoire) qui oblige son jeune frère Marcel à prendre le maquis dans la compagnie « Dollé ». Il est tué en juillet 1944.

    L’auberge Costes devient la boite aux lettres de la Résistance. Elle héberge des inconnus de passage. Elle sert de cachette à des Juifs. Le docteur Boquet dépose en catastrophe pour une nuit un résistant blessé encore sous anesthésie. 

    Fernande sillonne la région comme agent de liaison pour les maquis. Elle se rend à Bordeaux pour récupérer une pièce de camion pour le compte du groupe « Dollé » stationné à la ferme de « Rouziès ». Cette activité la rend  témoin des horreurs de la guerre.

    « Le seul téléphone du pays était chez mes parents… Nous recevions des messages codés au téléphone, ma famille les faisait passer au maquis. A la maison, nous cachâmes pendant plusieurs semaines un maquisard blessé. Un soir, je dus, munie d’un mot de passe, accompagner deux hommes dans des carrières immenses (le Pech del Treil – NDLR) où se trouvait enterré un important dépôt d’armes » F. Costes – Bonaguil ou le château fou – Éditions du Seuil, 1976.

    Fernande Costes obtient le titre de conservatrice du château en 1952. Elle le sort de sa léthargie pour lui donner l’aspect qu’il a de nos jours.

La maison de Fernande Costes.

Les bals clandestins

    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, des bals clandestins sont organisés partout en France pour distraire la jeusesse. Bonaguil n’échappe pas à la règle. Au mois de mai 1940, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur de la III République Georges Mandel, les bals sous toutes leurs formes, sont interdits sur le territoire français. Cela peut se comprendre, la France est en guerre. Mais après l’armistice du 22 juin 1940, l’interdiction aurait pu être supprimée, sinon partiellement levée. Elle est, au contraire, maintenue jusqu’en avril 1945, et ce malgré la chute du pouvoir de Vichy en aout 1944.

    On pourrait penser que l’occupant allemand est à l’origine de la poursuite de cette interdiction. En réalité, c’est le régime de Vichy qui décide d’empêcher, de réprimer et de sanctionner les musiciens et les organisateurs des bals devenus clandestins, et dans une moindre mesure les danseuses et les danseurs. Dans un monde rural comme le nôtre, c’est la Gendarmerie qui a en charge la répression. Certains historiens soulignent la répugnance des gendarmes qui « ne mirent aucun zèle dans l’exercice de cette mission ». D’autant plus que la population ne perçoit pas névessairement ces manifestations comme un acte de résistance face au pouvoir en place.

    Pétain considère que la défaite cinglante de juin 1940 est le résultat du relâchement moral des Français au cours des années 1920/1930, d’où la nécessite impérieuse de promouvoir une « Révolution Nationale », ultra-conservatrice et moralisatrice.

    Dans son message à la jeunesse de France du 29 décembre 1940, il assène :

« L’atmosphère malsaine dans laquelle ont grandi beaucoup de vos ainés a détendu les énergies, amolli leurs courages et les a conduits par les chemins fleuris du plaisir de la pire catastrophe de notre histoire. Pour vous, engagés dès le jeune âge dans des sentiers abrupts, vous apprendrez à préférer aux plaisirs faciles, les joies des difficultés surmontées.

Méditez ces maximes :
Le plaisir abaisse, la joie
s’élève.
Le plaisir affaiblit, la joie rend fort.
 »

« Bonaguil » – poème d'André Labat

Vestiges calcinés de ce qui fut ta gloire,
Malgré tes murs noircis, croulant dans tes fossés,
Tu jalonnes toujours le chemin de l’Histoire,
Orgueilleux survivant des vieux siècles passés.

Derrière tes créneaux perdus dans la nuit noire
Où pleure, avec le vent, l’âme des trépassés,
J’entends des froissements de satin et de moire :
Mânes des Roquefeuille, est-ce vous qui passez ?

O donjon merveilleux, arrogant, invincible,
Qui devait, des premiers canons, être la cible,
Tu nargues, sur ton roc, la fureur des autans !

Et, quand l’or des couchants empourpre ta grisaille,
Evoquant les splendeurs qu’abritait ta muraille,
Tes fastes, je les vois ! … Tes cors, je les entends.



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