Château de Sermet

 Le groupe « Parrot »

Le château de Sermet

    En 1939, André Parrot est instituteur à l’école communale de Loubéjac (24), et il est inscrit au Parti Communiste clandestin. Lorsqu’il organise un maquis FTP, il choisit le château de Sermet qui est inoccupé pour héberger son groupe. En effet, quand en 1940 les troupes allemandes déferlent sur la France, les propriétaires anglais de Sermet fuient vers l'Angleterre en prenant le dernier bateau en partance du port de Bordeaux.

    L’instituteur peut donc établir le quartier général de son groupe éponyme dans ce château abandonné. C'est une formation FTP à tendance socialiste. Il attire de nombreux jeunes réfractaires au S.T.O. et des moins jeunes venant, en particulier, de Sauveterre-la-Lémance.

 Au printemps 1944, la pression allemande se fait de plus en plus menaçante. le Q.G. déménage au château de Sineuil, distant de quelques kilomètres de Sermet.

Le château de Sermet

Les parachutages au château de Sermet

    Un vaste champ rectangulaire, au Sud-Ouest du domaine, est le théâtre de nombreux parachutages nocturnes alliés. Ils sont annoncés par le message personnel radiodiffusé par Radio Londres : "Serpolet bois un coup et réfléchis". Les conteneurs réceptionnés apportent des armes, des munitions et parfois de l'argent pour les maquis afin de permettre le harcèlement des troupes allemandes lors du prochain débarquement.

Terrain de parachutage

    Des tumuli pouvant contenir les restes des parachutages sont visibles sous la futaie voisine.

Tumulus indiquant la présence d'une cache

    Un témoin direct dénombre environ 7 ou 8 parachutages. La réception s’effectue entre 2 h et 2 h 30 du matin. L'émotion est intense parmi les participants. Une batterie éclairante est placée toujours dans le même pré pour signaler la position du terraib à l’aéronef. Trois piles de bois sont disposées à 200 mètres les unes des autres. Elles sont mises à feu au premier ronflement de l’avion. Le bruit de moteur émis par les avions alliés était différent de celui des Allemands. Il est facilement identifiable à l’oreille. Les hommes au sol ne pouvent pas le confondre.

    6 à 8 maquisards sont nécessaires pour transporter les conteneurs jusqu'aux camions à gazogène. Parfois ils sont obligés de réveiller les paysans afin qu’ils attèlent les vaches à des charrettes pour les aider à enlever le matériel.

    Un parachutage est constitué de 15 à 20 cylindres d’environ 250 kg chacun. Ils sont équipés d'amortisseurs en caoutchouc. A l'intérieur, tout est arrimé avec des bandes adhésives, comme des pansements. Le contenu est composé de fusils anglais, de mitraillettes Sten, de fusils-mitrailleurs Bren, de pains de plastic…

    Les parachutes sont ensuite roulés pour être soit dissimulés, soit servir aux maquisards pour confectionner leurs marabouts (leurs abris). Au début, ils sont en soie blanche, puis en coton blanc et les derniers en coton de couleur.

Photo de 1947, Louis Régnier au pied d'un container provenant du parachutage du 10 Février 1944.

Témoignage de Henri Delrieu, du groupe « Parrot » - juillet 2012

Henri Delrieu en 2012.


 Vivre à côté des maquis

    Les parents d’Henri Delrieu habitent une ferme sur la commune de Sauveterre-la-Lémance, au-dessus des « Chaux du Périgord ». Leur voisin, M. L. a une fille du même âge qu’’Henri avec qui il jouait souvent. Comme les L. disposent d’un poste de T.S.F., le jeune Henri, alors âgé de 16 ans, va chez ses voisins écouter les nouvelles de Londres.

    M. L. a acquis en 1939, une camionnette neuve de marque Renault. Ce véhicule, puissant et rapide, est utilisée par les maquis lorsqu'en 1943 ils doivent transporter des armes. Les plaques d’immatriculation peuvent basculer lors de ces voyages afin de ne pas être identifiées. Henri Delrieu est mis dans la confidence. Il connait la cache des armes. Il s’agit d’un four dans une ferme abandonnée située entre celle des Delrieu et celle de M. L. Du bois est stocké devant, et qui dissimule l'entrée d'une cave.

    En octobre de la même année, un milicien de Villeneuve-sur-Lot qui vient se ravitailler chez les Delrieu, commence à poser des questions ce qui donne l’éveil. De plus, le petit frère de la voisine d'Henri, âgé de 5 ans, a semé une belle pagaille. Mme L. accompagnée de son fils était allée rendre visite à une de ses amies couturière. Cette dernière habite près de la boucherie appartenant à une famille de miliciens. Alors que ces dames conversaient autour de ce genre de sujet, le petit garçon dit tout haut, à la stupéfaction de sa mère : « je sais où elles sont, moi, les armes ! ». Par prudence, la nuit même, M. L. et Henri transportent les armes dans une autre cache, un poulailler abandonné, situé au-dessus des carrières des « Chaux du Périgord ».

    Quelques mois plus tard, début 1944, le soir venu, tout le monde est réuni pour écouter la radio de la France Libre. Soudain, un vrombissement de moto… M. L. dit à Henri : « si les choses tournent mal, dans cette boîte à café, tu trouveras une arme, n’hésites pas à en faire bon usage ! » puis il sort. Le visiteur nocturne est le chef d’un groupe de maquis espagnol (« Carlos » ?). Après un bref conciliabule avec M. L., le motard repart mais sans les armes convoitées.

L'engagement de Henri Delrieu dans le maquis « Parrot »

    Quand la nouvelle du débarquement en Normandie se répand dans Sauveterre, pratiquement tous les hommes valides et les jeunes (sauf un ou deux) veulent partir au maquis. Tous savent qu’à Sauveterre il faut aller voir le directeur de la tannerie, M. Augère. Ce dernier peut donner des informations sur l’endroit où se présenter. Le 27 ou le 28 juin 1944, Henri Delrieu quitte sa famille pour rejoindre le maquis dirigé par André Parrot. Les parents d’Henri sont d’accord avec son engagement, sa mère lui confectionne un sac à dos et son père lui donne une grande cape qui lui sera très utile par la suite.

    Les hommes qui rejoignent « Parrot » sont originaires de la Dordogne, du Lot-et-Garonne voisin ou des réfugiés arrivés dans la région. Il y a 3 sections, et celle à laquelle appartient Henri est composée de 26 personnes.

Les premiers jours de la vie d'un maquisard

    Le premier campement d'Henri et de ses 24 camarades se trouve sur des hauteurs, derrière le Moulin de Lavaur, dominant la voie de chemin de fer, la route et la Lémance. Les conditions de vie sont précaires, ils couchent à même le sol avec une simple toile au-dessus d’eux.

    L’occupant soupçonne certainement leur présence, car chaque soir un avion allemand les survole en rase-mottes. Et chaque fois, ils se précipitent sous les arbres pour se mettre à l'abri. La région est infestée de détachements allemands appartenant à la tristement célèbre Division « Das Reich » chargée de ratisser le nord du Fumélois. Du haut de leur position, Henri et ses camarades assistent au macabre défilé organisé par les nazis, après l'embuscade qu'ils ont tendu aux maquisards sur le passage à niveau de la route de Villefranche-du-Périgord. Lorsque l'arrière-garde du groupe « Vény » se repliant sur la Dordogne est neutralisée, les S.S. descendent la vallée de la Lémance. Ils ont attaché les corps dénudés de deux hommes sur le capot d'une « Traction Avant ». Leur but est de parader dans Sauveterre afin de terroriser la population.

    Au bout d'un mois environ, les « Parrot » partent s'installer au lieu-dit « le But » au Sud-Est du village du « Got » (24). Le voyage se fait à vélo. La première précaution, lors du choix d'un lieu de cantonnement, consiste à trouver un refuge disposant d’une voie d’accès et d’une autre pour le repli afin de ne pas risquer de se laisser encercler. Dans cette ferme, ils couchent dans des granges, par terre sur de la paille. Le commandement du maquis s'est installé au château voisin de « Sineuil ».

    Leur chef de groupe est un adjudant de l'armée à la retraite, accompagné de son fils, du même âge qu’Henri. Il les connait bien, ce sont des cousins qui sont eux aussi de Sauveterre. Du coup, Ils reçoivent une véritable instruction militaire.

    Un jour, 2 automitrailleuses allemandes arrivent dans le secteur. Les soldats allemands suivent les fils du téléphone qui sont dissimulés dans le fossé. Le doute s'installe dans leur esprit quand ils découvrent que les fils quittent le fossé pour partir à travers bois, en direction du château. Estimant sans doute qu'ils ne sontt pas assez nombreux pour risquer un éventuel combat, ils se retirent.

    Les relations avec les maquis voisins ne sont pas simples. Un jour, René Coustellier, chef du groupe « Soleil » vient leur rendre visite au « But » dans le cadre des rapports entre combattants. En sortant, il aperçoit un fusil et une mitraillette derrière une porte. Il s'en empare en disant « Je reviendrai ». La nuit suivante, la vigilance est renforcée autour du camp pour prévenir toute tentative de la part de « Soleil ».

    Un mois plus tard, le groupe déménage au lieu dit « La Serp » sur la commune de Frayssinet-le-Gélat dans le Lot. Les hommes, soit une compagnie d’environ 120 personnes, confectionnent des marabouts à double épaisseur avec le tissu des parachutes. 8 maquisards peuvent ainsi dormir sur de la paille à l’abri des infiltrations d’eau.

    Chaque maquisard dispose d'une mitraillette et d'un fusil. Chaque section posséde un fusil mitrailleur, et la compagnie dispose d'une mitrailleuse. Il y a aussi des grenades, des bazookas. Le tout arrivé par parachutage.

La fin de la guerre

    Après la ferme de « la Serp », Henri Delrieu se retrouve du côté de Cahors, sur la route de Figeac. Chaque groupe de maquisards est positionné sur une route pour empêcher les Allemands de sortir de Cahors. L'endroit ou se trouve le groupe de Henri se situe sur un verrou naturel formé par une carrière à pic, la route, le Lot et la voie ferrée Cahors-Figeac.

    Une nuit, il est en poste avancé avec le fils de son chef-instructeur sur les hauteurs du plateau. Au bord d'un chemin, ils ont construit un petit muret de protection avec des pierres. De là, ils surveillent la route menant à Figeac et l'accès à leur chemin.

    Tout à coup, les Allemands se présentent à l'entrée du chemin, au pied de la falaise. Ils progressent dans leur direction en longeant le moulin voisin. Malgré le bruit du barrage d’à côté, ils entendent le vrombissement des véhicules venant vers eux. « Il faut prévenir le chef !». le compagnon d’Henri part pour donner l’alerte pendant que ce dernier se prépare à toute éventualité, un tas de grenades près de lui. Arrivés à cinquante mètres de sa position, les Allemands font demi-tour. Revenus dans la vallée, ils prennent la direction de Cahors.

    Les camions du groupe, ainsi que leurs chauffeurs, sont stationnés à 5 ou 6 kilomètres du campement, au milieu du plateau. Un matin, au réveil, ils se retrouvent nez à nez avec 15 ou 20 hommes habillés en vert de gris. Ces derniers jètent leurs armes dans le champ de topinambours. Ce sont des Mongols, à la solde des Allemands, qui viennent se rendre (les Mongols sont des soldats de l’armée Vlassov recrutés par les Allemands parmi les prisonniers soviétiques capturés sur le front de l'est. NDLR).

    Ensuite, tout le long du mois de septembre 1944, Henri Delrieu effectue un stage d'infirmier à Alvignac-les-Eaux, sur le plateau de Gramat.

    Au mois d'octobre, il regagne la caserne de Cahors. Là, il retrouve les Mongols. Ce sont de pauvres malheureux qui mangent dans des gamelles crasseuses. Un officier russe les harangue pour les ramener en Russie.

    Deux ou trois jours plus tard, il est rejoint par le reste du groupe « Parrot » qui vient de défiler à Toulouse en uniforme militaire. Ils quittent Cahors pour aller à la caserne de Gendarmerie de Gourdon. Là, on leur demande de signer un engagement pour la durée de la guerre. Comme Henri Delrieu est encore mineur, il nécessite l'autorisation de son père. Celui-ci, ancien combattant de 1914-1918, mobilisé en 1939, refuse tout net, estimant que la famille a suffisamment fait d'efforts pour la patrie. Mais Henri doit faire 6 mois de service militaire. Il est incorporé dans l'intendance, à Bordeaux, de décembre 1944 à juin 1945. 

Fractures politiques

    Quelques témoignages de maquisards illustrent le climat de « guerre civile » qui divise les Français en plusieurs camps : « Lors d'une opération menée dans le villeneuvois, tout proche, des éléments du groupe « Parrot » ont capturé un milicien. Ramené au château de Sermet, il est enfermé dans un sous-sol. Au même moment, le chef du groupe « Soleil » rencontre « Parrot » au château dans le cadre des relations liant les deux maquis. Quabd « Soleil » découvre la présence du prisonnier, Il propose de l’échanger contre 25 sacs tyroliens. « Parrot » refuse. Amateur de justice expéditive, « Soleil » exécute sur le champ le « milico » ». Aujourd'hui, on peut encore voir la trace d'impacts de balles sur la paroi d'une petite salle située dans les caves du château.



Impacts de balles sur la paroi d'une cave

 


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